Aujourd'hui, comme promis, continuons à lire Tite-Live ! Dans les épisodes précédents, Rome avait vu sa monarchie partir en cacahuètes, ce qui avait poussé l'aristocratie à se plaindre au SAV mythique et instaurer une république.
Comment va-t-elle se débrouiller dans ses premières années ? Va-t-elle survivre à la réaction monarchiste et va-t-on pas trop se taper entre Romains ?
Tite-Live, Ab Urbe Condita, livre II : un THREAD
#MythologieRomaine #EnfinHistoireRomaine #EnfinOnSaitPasTrop
Mais avant toute chose, les épisodes précédents se trouvent ici :
> Livre I, épisode 1 : Énée ! Romulus le fondateur ! Numa le dévot ! Tullus le pas commode ! https://mastodon.top/@hist_myth/112792214027813066
> Livre I, épisode 2 : Ancus Marcius l'oubliable ! Lucius Tarquinius et sa femme prophétesse ! Servius Tullius le dernier roi correct ! Lucius Tarquinius Superbus qu'est pas trop superbe !
https://mastodon.top/@hist_myth/112831548405415415
Donc ! Le roi Tarquinius et ses fistons s'étant fait expulser de la cité, on instaure une république, et Tite-Live est tout content, car il va pouvoir parler d'une ville LIBRE, avec la LIBERTÉ, sonnez les clairons, battez les tambours.
Délivrée des rois, la ville est désormais dirigée par des consuls élus, qui sont deux, et dont le pouvoir est limité à un an. D'abord ce sont les meneurs de la révolution qui deviennent consuls, Marcus Iunius Brutus et Tarquinius Collatinus (le mari de Lucretia).
Les consuls sont des espèces de rois, apparemment, car ils en gardent les insignes, et notamment les fameux licteurs portant des faisceaux, des bâtons liés avec une lame de hache, symboles de la capacité à exercer la violence.
(Pour la petite histoire, le mot latin fasci, faisceaux, a donné fascistes, parce que... euh... l'HISTOIRE)
Le consul Brutus, soucieux de garder les rois là où il faut qu'ils soient c'est à dire dehors, fait jurer au peuple de ne plus jamais tolérer de rois.
Brutus renforce le sénat en y nommant des membres éminents de la plèbe. Sénat et plèbe, contents, s'aiment (spoiler : ça va pas durer).
Enfin, les gens aiment tellement pas les rois que l'autre consul, Tarquinius Collatinus, devient suspect parce qu'il est de la famille royale ; et après un beau discours Brutus et d'autres Pères (= sénateurs) (dont Lucretius son beau père et Père) le convainquent de quitter Rome et laisser sa charge. On élit alors un autre consul, Publius Valerius.
*Pendant ce temps*
– Moi Tarquinius Superbus, je médite ma revannnnche Comment miner cette république naissante ?
– Nous, les jeunes nobles cons de Rome, nous sommes jeunes, nobles et cons
– Dites, jeunes nobles cons de Rome, vous trouvez pas que la monarchie c'est vachement mieux que la république ?
– Ah ça oui ! La république ça veut dire respecter les lois, relou. Alors qu'avec les rois, que c'est des gens comme nous, y a toujours moyen de moyenner
– Hin hin hin
– Beuuuuh
Arrivent alors à Rome des envoyés des Tarquinii, soi-disant pour réclamer la restitution des biens familiaux usurpés lors de la révolution. Mais, en fait, ils ont une autre mission : filer des lettres aux jeunes promonarchie et monter un complot pour le retour du roi à en faire saliver Philippe de Villiers. Parmi les royalistes, se trouvaient les propres beaux-frères du consul Brutus, qui, papotant avec leurs deux neveux Titus et Tiberius Brutus, les font entrer dans le complot. Comme ça.
Or donc, un soir, chez les Vitellius :
– Et donc, je propose qu'on parle tous ensemble de notre projet promonarchie
– Oui, parlons-en dans ce banquet où servent plein d'esclaves
– Damned ! Je suis un simple esclave et j'entends que mes maîtres veulent renverser la république
– Le roi Tarquinius nous a envoyé une lettre
– Répondons-lui, youpi !
– Cette lettre est une preuve, il faut la saisir !
L'un des esclaves, donc, avertit les consuls. Descente de licteurs chez les conjurés.
On saisit la lettre, on arrête ces clients trop enthousiastes du Puy du Fou, on décrète que si c'est comme ça les biens du roi Tarquinius, il les aura même pas en rêve, et on les distribue au peuple. L'une de ses terres est consacrée au dieu Mars et devient le Champ de Mars, et comme il y poussait du blé que personne n'avait plus le droit de bouffer (car propriété du dieu), on le versa dans le Tibre, créant ainsi une île.
Enfin, il fallait juger les conjurés.
Or il se trouvait parmi eux...
... les fils du consul Brutus.
Et qui le sort désigna-t-il pour juger les fils du consul Brutus ?
Le consul Brutus.
Alors, dans un move que Tite-Live trouve admirable de grandeur républicaine et qui perso m'évoque plutôt une absence d'empathie maladive, Brutus condamna ses propres fils à mourir sous les faisceaux des licteurs, bastonnés puis décapités.
Le seul pour qui cette histoire finit bien fut l'esclave, qui fut 1/ affranchi 2/ nommé citoyen romain.
Parce que (et si vous me permettez une parenthèse) c'est une particularité de Rome que les familles des affranchis s'intègrent à la cité : les fils d'affranchis deviennent citoyens romains, avec les mêmes (absences de) droits que les autres.
Reprenons le fil de la divagation : Tarquinius a échoué à renverser la république de l'intérieur... alors il attaquera Rome de l'extérieur.
Le roi étrusque de Rome va trouver les villes étrusques de Veii et de Tarquiniae.
Ils voudraient pas l'aider à tataner les Romains ?
Comme ça, entre compatriotes ?
La ville de Veii est partante, parce que l'idée de la démocratie la fait frémir, faudrait pas que des péquenauds chassent les rois.
La ville de Tarquiniae est en mode nationaliste, entre étrusques on se serre les coudes, #EtruscanPower #EtruscanLivesMatter
Fort de détachements véiens et tarquiniens, Tarquinius va attaquer Rome.
Sur le champ de bataille, les consuls mènent l'armée.
Côté étrusque, Arruns Tarquinius, le fils cadet du roi, est à l'avant-garde avec la cavalerie.
Soudain, de loin, que voit-il ? Un type avec des licteurs et une toge à bord pourpre ! Un consul !
Et pire : Marcus Iunius Brutus ! Le zig qui a piqué à son papa le pouvoir royal ! (Et qui, oublie de rappeler Tite-Live, était son souffre-douleur plus jeune)
Le bully voit son bullied qui a réussi dans la vie. Et devient dingue. Il fonce sur Brutus, qui se porte à sa hauteur pour un DU-DU-DUEL !
Et là, blam ! La lance de Brutus traverse le bouclier d'Arruns, la lance d'Arruns fend le bouclier de Brutus, et les deux hommes tombent morts sur le coup dans une fin épique.
Exit Marcus Iunius Brutus, le révolutionnaire.
Pendant ce temps, la bataille se déclenche, et aussi indécisive que le duel, les Romains battent les Véiens mais reculent face aux Tarquiniens.
Les deux camps battent en retraite et s'installent pour la nuit, quand tout à coup...
– Bonjour, je suis une intervention divine.
– Moi, voix désincarnée, sortant de la forêt toute proche, j'annonce qu'un Étrusque en plus est mort et subséquemment que les Romains ont gagné.
– Ouh lou lou, font les Étrusques, c'est la voix du dieu Silvanus. Bon, on a perdu, on rentre au bercail, en plus je suis pas sûr d'avoir fermé le gaz.
Les Romains, donc, rentrent victorieux sous la conduite du dernier consul, Publius Valerius.
On fait de grandioses funérailles à Brutus, les Romaines notamment portant le deuil du vengeur de Lucretia.
Reste donc le consul Publius Valerius. D'abord, on l'accuse de vouloir devenir roi à la place des rois, vu qu'il se fait construire une villa sur la colline Vélia : ça ressemble vachement à une place-forte, tiens ! comme pour renverser un régime !
Publius Valerius se récrie hautement, et il prend deux décisions symboliques.
1/ Faire s'incliner ses licteurs devant l'assemblée populaire, signe de soumission du pouvoir exécutif au peuple.
2/ Construire sa maison au PIED de la colline.
Après quoi il soumit au vote du peuple une série de lois que nous nommerons démocratiques :
> l'appel au peuple : toute personne accusée ou menacée par un magistrat dans l'enceinte de Rome peut demander à être (re)jugée par un tribunal populaire
> toute personne convoitant la royauté est déclarée tabou, elle et ses biens, et donc exilée, rejetée, tuable à souhait, etc.
Puis on élit un remplaçant à Brutus, Spurius Lucretius, qui clamsa presque aussitôt et fut remplacé par Horatius Pulvillus.
[la suite après mes sushis]
[brace yourselves, ça va être long]
Le temps de consacrer le grand et fameux (notamment parce qu'il a un toit en pente, incroyaaaable) temple de Jupiter Capitolin, et Rome se retrouve avec une autre guerre sur les bras : la guerre contre Porsenna, le roi étrusque de Clusium.
Historien moderne : Bonjour.
Oui, pardon, qui êtes-vous et que venez-vous faire dans mon thread ?
Historien moderne : J'ai entendu guerre contre Porsenna, alors j'ai popé dans ce thread.
Euh, OK, j'imagine que vous interviendrez quand il le faudra.
Donc, l'ex-roi Tarquinius était allé voir le riche et puissant Porsenna, et lui avait servi son petit discours comme quoi on ne pouvait guère tolérer que des gueux se carrent le postérieur dans le trône censé accueillir le postérieur des Tarquinii ; ça donnait un mauvais exemple.
Porsenna, lui-même peu démocratique, acquiesce, et marche sur Rome.
À Rome, on flippe.
Les Pères surtout flippent, car est-ce que la plèbe romaine va pas retourner sa veste et ré-accueillir les rois ?
Du coup, ils gâtent la plèbe en gérant l'inflation des denrées alimentaires : et que j'importe du blé, et que je nationalise le commerce du sel, et que j'exonère des impôts la plèbe, et que j'applique un programme social qu'à côté Rachel Kéké a l'air d'Alain Juppé.
Du coup la plèbe le sénat (ça va vraiment pas durer).
Or donc, Porsenna débarque si vite que, pouf, il prend la citadelle de la colline du Janicule, en face du pont Sublicius. Vous vous rappelez, le pont en bois 100 %.
Les gardes du pont sont terrorisés et s'enfuient, risquant de laisser passer l'ennemi.
Sauf un type. Horatius Coclès.
Historien moderne : *ahem*
Ouiquoidonc ?
Historien moderne : Rien. Je veux juste faire remarquer que Coclès veut dire borgne. Un peu comme le dieu Odin dans les mythes scandinaves. C'est tout pour le moment, je repasserai.
Donc, Horatius Coclès engueule ses camarades : "Mais les ennemis vous vont suivre bande de nazes ! Faut bloquer le pont ! Attendez voir, je vous montre !"
Et à lui tout seul (ou presque, il a deux types qui le soutiennent un peu, Spurius Larcius et Titus Herminius) il se poste devant le pont et bloque le passage de toute l'armée étrusque. Qui n'ose d'abord pas l'attaquer. C'est qu'il leur fait les gros yeux.
Enfin, les Etrusques attaquent, mais Horatius Coclès bloque leurs traits dans son bouclier. Et réussit à tenir sa position le temps qu'on détruise le pont.
Sa mission accomplie, il fait une petite prière au dieu Tibre et se jette à l'eau.
Coclès crawle tranquille à l'abri et se fait accueillir en sauveur, joie, bonheur et héroïsme.
Historien moderne : Hmm, et vous croyez, vous, à cette histoire ?
Ben, même Tite-Live semble pas trop y croire, parce qu'il relève que c'est plus célèbre que vraisemblable.
Historien moderne : Hmm.
Mais enfin Porsenna assiège Rome. C'est très gênant. Publius Valerius monte une embuscade avec les deux camarades de Coclès, infligeant des pertes à Porsenna, mais le siège n'est pas levé.
Or il y avait à Rome un type qui haïssait les rois plus encore que les autres. Les rois, et le siège, et les Étrusques, et ce fichu roi Porsenna qui osait assiéger une ville libre !! Et ce type venait de la haute, et il s'appelait Caius Mucius.
Caius Mucius s'en vint trouver les Pères et leur déclara qu'il allait tenter un truc, et pour cela sortir tout seul de Rome, mais qu'il fallait pas croire qu'il désertait. Après quoi il planque un poignard sur lui et sort de Rome en clampin lambda.
Le roi Porsenna se trouvait alors dans son camp, à côté de son scribe royal, et ça devait être casual Friday chez les Étrusques car roi et scribe étaient habillés à peu près pareil. Une foule se presse autour des deux dignitaires. Caius Mucius s'approche, prend son couteau.
Il est venu tuer Porsenna !
Et ainsi libérer ROME !
Mais... c'est qui Porsenna entre les deux gars du milieu habillés pareil ?
L'hésitation gagne notre Che à l'antique.
"Baste, songe-t-il, je tue l'un des deux au pif."
Alors il fend la foule et embroche... le scribe.
EPIC FAIL.
Aussitôt il veut s'enfuir, on l'arrête, on le ramène devant le roi.
– T'es qui toi et qui t'envoie ? grogne Porsenna.
– Je suis CITOYEN ROMAIN. Mucius. Caius Mucius. Et je te tiens un discours empreint de stoïcisme comme quoi les Romains sont trop badass et viendront tous t'assassiner si tu veux prendre la ville.
– Qu'il passe aux aveux pour dénoncer ses complices ! qu'on le torture ! rage Porsenna.
– Me torturer ? Tu peux essayer.
@hist_myth Finalement c'est pas si bien comme situation, scribe
@hist_myth Le suspense est à son comble !
@hist_myth
le gros z'œil plutôt, s'il est borgne, non ?
@ancilevien74 Il s'appelle Borgne, ça veut pas dire qu'il est borgne.
@hist_myth
Le petit pont de bois
Qui ne tenait plus guère
Que par un grand mystère
Et deux piquets tout droits ?
@hist_myth pauvre Spurius Lucretius
Il doit avoir eu le seum quand il a dû dire bonjour à Charon
@hist_myth Comme quoi, les gens qui se font embêter par le PLU de leur ville ça remonte à loin...
@hist_myth
C'est une procédure par élimination.
Il y a un Etrusque qui n'est pas d'accord ?
Pan ! (puisque Sylvanus)
Il y a un autre Etrusque qui n'est pas d'accord ? Bon, alors c'est plié.
@hist_myth
Ah ça c'est bien, quand on joue aux sept familles. Dans la famille Tarquin, je voudrais le traitre. Dans la famille Butus, je voudrais le traitre. Dans la famille Vitellius je voudrais le traitre. Dans la famille...
Ah, oui. Tarquinii, Brutii (Albert, Antoine et Anatole), Vitellii. Avec l'âge je décline...
@hist_myth
"- Qu'on les décapite !
@hist_myth
Haha, je le savais : les tarquins ne peuvent s'empêcher d'en faire (des tarquineries), se vautrent au cours d'un repas et prennent une tarte, la célèbre tarte tarquin. Elle va ramasser, la crème qui voulait renverser.
@Gobabu @hist_myth J'ai toujours préféré dire "Taquin Le Superbe"