Aujourd'hui, on repart chez Tite-Live !
Dans l'épisode précédent, au tout début du IVe siècle av. J.-C., Rome s'était fait quasi entièrement incendier par les Gaulois, et après un sauvetage miracle lançait sa reconstruction express. La gabegie d'argent nécessaire pour tout rebâtir va-t-elle ne poser aucun problème non non pas du tout ? Et les patriciens et plébéiens vont-ils continuer à se fritter ?
Tite-Live, livre VI, un THREAD
Mais tout d'abord, si vous prenez cette série en cours, retrouvez ici les épisodes précédents :
I-1 : https://mastodon.top/@hist_myth/112792214027813066
I-2 : https://mastodon.top/@hist_myth/112831548405415415
II-1 : https://mastodon.top/@hist_myth/112916453684941402
II-2 : https://mastodon.top/@hist_myth/112944904603090808
III : https://mastodon.top/@hist_myth/113101780632236224
IV : https://mastodon.top/@hist_myth/113228240194306463
V-1 : https://mastodon.top/@hist_myth/113347082216425581
V-2 : https://mastodon.top/@hist_myth/113387166339380166
DONC ! Tite-Live entame ce livre VI par un aparté : il a mis 5 livres à nous raconter les 360 ans passés (à la grosse louche), maiiiiis c'était quand même un peu flou et en plus toutes les archives de cette époque se sont perdues dans l'incendie déclenché par les Gaulois. Du coup, cette fois, on reprend plus sérieusement, on a de vraies sources fiables.
Attends, Livounet, tu veux dire que les trouzemille pages de latin que je me suis tapées c'était du flan ? du chiqué ? du mythe mytho ?
Rhoo je vous jure, on peut pas faire confiance. On croit avoir affaire à un historien sérieux, et paf, on se retrouve avec une version antique de Lorant Deutsch ou Stéphane Bern.
Cependant, les Romains reconstruisent fissa leur ville ; et ce sous la direction de Camillus (cri de groupie de Tite-Live), qui reste dictateur 6 mois. On retrouve et publie les textes de lois, les pontifes planquant les lois religieuses, et on déclare néfaste le 18 juillet jour de la défaite contre les Gaulois.
Pendant ce temps, les voisins de Rome constataient que devant les Gaulois Rome s'était écroulée et écrabouillée façon carpette. Du coup, c'était peut-être l'occasion d'en finir avec cette cité tyrannique qui chaque année leur bourrinait la gueule, hum ?
Entrèrent alors en guerre contre Rome :
> les Volsci, comme d'hab
> les Aequi, business as usual
> toute l'alliance étrusque
> les Latins et les Hernici, des alliés qui soudain trouvaient qu'eux et les Romains ils étaient plus copains !
– Oh là là qu'allons-nous faire ? gémit le sénat, et ignorant les 6 TMPC (tribuns militaires à pouvoir consulaires) de l'année, il renomme un dictateur, qui sera... qui sera...
Eh oui, Marcus Furius Camillus.
On n'a pas fini de se le traîner, sa carrière est plus longue que celle de Barnier.
Camimi coupe l'armée en trois :
1. pour protéger Rome
2. pour camper en face des Étrusques
3. pour maraver du Volsque
De leur côté, les Volsci se frottent les mains.
– Hahaha pffrrt, les Gaulois ont sûrement détruit toute l'armée romaine, après s'être fait pilonner 5555212 fois dans les livres I-V on va enfin les pourrir !
*Un camp cramé, des pillages et quelques ravages de l'armée romaine plus tard*
– Euuaaah euh les Romains ça vous dit vous et nous on est amis pour la vie ?
– Ho ho, font les Aequi, nous on aligne toutes nos armées à Bolae !
*Une bataille plus tard*
– Aïe aïe, on a perdu toutes nos armées à Bolae !
– Ahah, s'exclament les Étrusques, pendant que Camillus était occupé ailleurs on a pris Sutrium, ville alliée de Rome, et forcé sa population à fuir par les champs !
*Un assaut romain plus tard*
– Oh oh les Romains nous ont repris Sutrium et ont forcé nos soldats à fuir par les champs !
Et ainsi, après trois victoires décisives, Camillus rentre à Rome se faire accorder trois triomphes.
Ca doit être pratique d'avoir des historiens assez complaisants pour jamais perdre, quand même.
Cependant, la reconstruction de Rome doit pas se passer exactement comme prévu, car certains Romains se sont plutôt établis à Veii plutôt que reconstruire leur maison dans la vile.
– C'est quoi ces gens qui veulent pas se coltiner quelques tonnes de parpaings ? tonne le Sénat, mais c'est de l'émigration illégale ! Si c'est comme ça ils rentrent à Rome sous peine de MORT ! na !
(Et dans la foulée le sénat accorde la citoyenneté romaine à tout un tas d'étrangers, o tempora o mores !)
Après quelques rechignements, les émigrés rentrent, et reconstruisent, donc, leur ville en un temps record : un an.
Rome ne s'est pas construite en un jour, mais reconstruite en 365. Genre nous pendant ce temps on aurait reconstruit un 5e de cathédrale.
Tout ça sous la pression publique, et sûrement en contractant moult emprunts pour acheter la brique et le pisé.
La plèbe est tellement occupée à reconstruire que les tribuns n'arrivent même pas à la motiver pour une loi agraire, c'est dire.
On distribue quand même des terres dans le territoire conquis sur les Volsci, au pays Pontin (chépaoucé), sauf que... deux ans plus tard, les colons du pays Pontin rentrent dare-dare : ils se font agresser par une autre ancienne alliée rebelle, la cité d'Antium.
Le sénat s'écrie : "Vite il faut nommer Camillus... ah non, c'est pas la peine, il a été élu TMPC cette année. Cool."
S'ensuit une scène où tous les autres TMPC font l'éloge de Camillus, la groupitude de Tite-Live devient gênante.
Camillus rassemble ses armées et part affronter les gens d'Antium à Satricum. Sauf que là, ne les attend pas une armée, mais une alliance de quatre : Antium, les Volsci (oui, encore), les Latins, les Hernici.
– Gloups, fait le soldat romain.
– Quoi ? harangue Camillus, vous allez pas avoir la pétoche devant ces types quand même ? Vous voulez relire les livres I-V pour vous rappeler combien de fois vous les avez battus ? Et puis vous servez sous MON commandement, impossible de perdre.
Et après ce discours auprès duquel l'arrogance de nos politiciens paraîtrait timide et mesurée, les Romains gagnent la bataille, même si je note que ce combat-là a l'air particulièrement serré, tout de même.
Camillus prend Satricum, et il aimerait bien prendre Antium qui semble être devenue la capitale des Volsci rebelles, mais on l'avertit que les Étrusques menacent les cités de Satrium et Népété. Et ça craint, car les deux villes sont dans une zone tampon entre Rome et Étrurie.
Tite-Live nous décrit donc avec force détails Camillus prenant l'une et l'autre de ces villes, je passe un peu vite car son attitude de fanboy me lasse.
Le Sénat, cependant, envoie quelques réclamations aux Latins et aux Hernici.
Les deux peuples marmonnent que oooh oui y a peut-être des gens à eux dans les armées ennemies mais c'est que des méchants pas beaux qui ont agi de leur propre initiative et d'ailleurs ils sont tous morts alors hein. Le sénat fait semblant d'être convaincu.
Avec tout ça, nous sommes arrivé.e.s en l'année 385, et voilà que de nouveaux problèmes se profile : les tentations de putsch de Marcus Manlius Capitolinus.
Vous connaissez Capitolinus. Vous l'avez déjà rencontré. Au livre V, c'est lui qui, entendant les oies sacrées de Junon cacarder la nuit, est sorti de chez lui, a vu la tête d'un Gaulois dépasser d'une falaise, et a tapé très fort dessus.
Eh ben Capitolinus est vexé, parce que y en a que pour Camillus.
Camillus par-ci, Camillus par-là... Eh oh ! Lui aussi il a sauvé la cité ! Et malgré ça les patriciens (dont il fait partie, la gens Manlia c'est pas de la gnognote) lui jettent pas un regard. Aussi Capitolinus les dédaigne pour la plèbe, qui a le bon goût, elle, de l'admirer.
Et, nous affirme Livounet, il va jouer sur la plèbe pour nourrir des ambitions personnelles... pas très démocratiques.
Voyez-vous, Rome dans ces années 380 semble traverser une sorte de crise des subprimes.
Une partie de la plèbe romaine s'est lourdement endettée auprès de l'élite économique : les patriciens (pas que, sûrement, mais aussi et surtout les patriciens). Or les intérêts des crédits sont super élevés, et les débiteurs deviennent incapables de rembourser, ce qui à Rome mène à l'esclavage pour dettes.
Toute ressemblance avec le livre II serait bien sûr parfaitement fortuite ahem.
Sur un ton parfaitement outré, Livounet nous annonce que Capitolinus OSE attaquer publiquement le crédit.
C'est qu'en latin le même mot, "fides", désigne le crédit (et le fait de devoir rembourser ses dettes) et le respect de la parole donnée, une valeur cardinale de la morale romaine. Tite-Live, on le voit, en joue un peu.
Concrètement, Capitolinus se rapproche des tribuns de la plèbe et dénonce le fait qu'une partie des plébéiens est asservie pour dettes.
En plus il parle de distributions de terres !
À coup sûr il vise à renverser la république ! #MauvaiseFoiLivienne
Comme par hasard les Volsci relancent leur agression annuelle.
– Va falloir qu'on nomme un dictateur, s'écrie hautement le sénat (tout en pensant qu'une petite guerre ça va la mater, la gauche caviar, là).
Pour changer, ils nomment un certain Aulus Cornelius Cossus.
Cossus part donc se battre contre les Volsci, et dans un aparté désarmant de sincérité, Livounet s'interroge sur comment les Volsci font pour refaire la guerre tous les ans, on n'aurait pas dû les ratiboiser à force ?
Il sait pas, ses sources sont comme ça, il en déduit que les Volsci géraient bien leur recrutement pour jamais laisser leurs forces s'épuiser, voilà.
En tout cas l'armée ennemie est (bien sûr) ÉNORME, y a des Volsci, des Latins, des Hernici, des gens de la ville de Circei. Les Romains pourraient avoir les chocottes, mais leur dictateur leur fait une belle harangue et ils gagnent, massacrent, pillent et capturent. Dans les prisonniers, ils trouvent vraiment beaucoup de Latins et de Hernici...
... ce qui agace un tantinet le sénat quand il l'apprend. Alors, c'est des alliés ou pas des alliés ces Latins ?
– Ah non, on n'est pas vos alliés, même qu'en guerre contre vous y a les Latins, les Hernici, Circei et aussi Velitrae, font crûment les prisonniers.
– Bon, bon on va repartir pour une guerre et ces gauchistes qui veulent une annulation de la dette vont la fermer, se satisfait le dictateur.
Mais pendant ce temps, Capitolinus continuait sa campagne de popularité.
@hist_myth meuh non Livou a scientifiquement reconstitué tout ça en utilisant son bon sens de patricien ni de gauche ni de droite ...
@hist_myth oui avec que des victoires on se demande bien pourquoi ils n'ont pas conquis l'Italie en dix ans et le reste en cinquante ans.
Sans doute les dieux qui leur ont dit d'aller mollo
@gfadrelle Non mais les autres peuples ils leur avaient rien fait, tu vois !
@hist_myth encore un qui veut appauvrir les milliardaires ...
Donc pour une fois ils en ont retrouvé leurs latins ?
@hist_myth mood "J'ai sauvé Rome et tout ce que j'ai gagné c'est ce T-shirt ridicule"
Faut avouer que moi aussi si on me donnait le choix entre aller me faire trucider sur le champ de bataille ou de devoir lire les quatre volumes de Tite-Live, j'aurais choisi de prendre mon glaive et mon pilum...
On a des détails, sur l'octroi de la citoyenneté et ses critères ?
Si j'ai bien compris, c'est une spécificité de Rome (notamment par rapport aux Grecs et aux Carthaginois) que de faire ça relativement souvent, mais quand même pas n'importe comment et avec certaines exigences, mais j'ai pas compris les détails...
@lienrag Ca a l'air d'être sur décision du Sénat et accordé à des groupes précis. Ici c'est aux habitants de Capena et de Falerii qui ont rejoint les Romains suite à la reddition pacifique des deux villes.
Hernici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège ?
@hist_myth Peut-être, mais Tite-Live c'est du latin facile, on avait de bonnes notes sans trop de mal. Et les traductions de la collection Guillaume Budé étaient à la bibliothèque municipale, à 400m du lycée...
@hist_myth jubilatoire à lire et passionnant, merci !
@FOxyShelby Merci pour le compliment :)
@hist_myth J’ai commencé par la fin et ai remonté deux épisodes ensuite et je me régale. Des choses que j’ai lues fragmentairement il y a bien longtemps puis oubliées…
Enfin le retour du Live-Tooting !